Le 9 novembre dernier, tu étais sur le plateau du Grand Journal de Canal+ pour la promotion du dernier album d’Abd al Malik, Scarifications, intégralement produit par tes soins. Ça s’est bien passé ?

Il faut savoir que quand tu vas à la télévision, tu n’as pas de temps. J’ai dû avoir 47 secondes de temps de parole. Peut-être 48. De toute façon, j’allais défendre l’album d’un autre… J’ai fait trois heures de train pour une quarantaine de secondes d’antenne !


Il y a 20 ans, tes passages TV étaient peut-être plus longs mais se cantonnaient à répéter que la musique électronique n’était pas qu’une musique ‘d’idiots et de drogués’. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
Est-ce un soulagement ?


La mentalité vis-à-vis de la musique électronique a changé. Aller taper sur un courant musical qui est installé depuis 25 ans, ce serait un peu ridicule. C’est comme si quelqu’un venait dire aujourd’hui : ‘T’as vu, les rockeurs, ils se défoncent à l’héro.’ – ’Hé mec, ça fait 40 ans. C’est bon, on n’est pas tous sous acide, on peut écouter de la musique tranquille.’ Avant moi, au Grand Journal, il y avait un débat sur les mecs qui se dopent dans l’athlétisme. Dans les loges, je me suis fendu la gueule, parce que je me suis dit : ‘Il y a 20 ans, ça aurait été mon plateau, mon procès.’ Ils ne peuvent plus nous voir en nous lâchant: ‘Ouais, vous, la nuit, quand même, vous ne sucez pas que des glaçons.’ Les animateurs, on les a tous vus en soirée, démâtés, à danser sur du David Guetta ou sur autre chose. Ils ne seraient plus crédibles à nous faire la morale. Puis, je vous dis, on se moque de tout ça maintenant parce qu’on est rentrés dans les institutions. On est partout. Dans n’importe quel festival qui se respecte, de rock, et même de jazz à Montreux, il y a une scène électronique.
Période où l’ecstasy fait aussi son apparition…

Perso, j’aimais bien ça. Mais j’avais envie de jouer et j’en étais incapable quand j’étais fracassé. La drogue me touche trop, je partais complètement en sucette. Impossible de passer un disque. J’étais satellisé.Mais le plus drôle, c’était que pendant les matchs de football, des mecs venaient, ils prenaient tous des pills et plus personne ne se mettait sur la gueule… Surtout, le grand truc de l’époque, c’est qu’ils amenaient des bananes gonflables et se les jetaient dessus. Les flics ne comprenaient plus pourquoi dans les derbys, Manchester United contre Manchester City, les gens ne se frittaient plus. Pourquoi il y avait comme un relent d’amour. Là, au club, ils se disaient : ‘Le truc, c’est les inflatable toys (jouets gonflables, ndlr).’ Ils en foutaient partout dans L’Hacienda. À minuit, les mecs finissaient en slip, sautaient dans la piscine et devenaient fous en écoutant que de la house. Là, tu te disais : ‘Il y a un truc qui se passe.’ Moi, je me casse. 


Tu te casses où ?

Faire mon service militaire à Versailles, dans le régiment de marche du Tchad. Après, j’ai été muté à Paris. J’étais au mess des officiers parce que j’étais serveur, c’était mon métier. J’étais aussi DJ parce que les enfants des militaires font des rallyes. J’étais le seul qui jouait de la musique. Comme c’était un des rares trucs qui étaient un peu payés, je gagnais 600 francs par rallye, c’était cool.

Travailler dans les fêtes foraines, est-ce une voie que tu aurais pu prendre ?

Je dis toujours que j’aurais bien voulu continuer. Si mon père avait continué, je pense que j’aurais sûrement continué aussi. C’est une vie qui m’aurait à peu près plu.


Il y a des similitudes avec le monde de la nuit finalement…
Quelque part, tous mes métiers sont liés. On vend des petites doses de bonheur qui font qu’on arrange le quotidien. Que ce soit trois minutes dans un manège en chiant dans son froc, deux heures en écoutant de la musique et en s’abandonnant les yeux fermés, ou avoir la langue qui explose en mangeant quelque chose, c’est la même chose. On est dans le plaisir.


PAR VICTOR LE GRAND ET ANTHONY PINELLI

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